Le sang des innocents

Un peu partout des gens sont ramenés à leur statut de matière, ni animal, ni humain, juste moléculaire. Ce ne sont pas que des corps décharnés, ce sont des idées qui s’étalent sur les sols sales de leur sang. Celui d’innocents qui se mélange à celui de leurs assassins, coagulant ensemble pour ne faire plus qu’une matière visqueuse qui recouvrira bientôt nos visages de peine et nos nuits de cauchemars. Tous unis dans la mort. La seule qui peut nous faire prendre conscience que nous ne vallons pas plus qu’une feuille d’automne en décomposition. Matière.

Un peu partout des gens sont ramenés à leur condition de peuple libre, qui évolue dans la vie avec l’insouciance des sages. De ceux qui ont compris que vivre, c’est simple comme un concert, comme un voyage, comme un verre entre amis. Pas besoin d’églises, pas besoin de croyances, juste besoin d’être.

Je suis !

Je suis en colère contre vos dieux, moi l’athée dont personne ne parle. Je sens une profonde injustice à ce que vos croyances inondent le débat public, à ce que vos croyances permettent d’excuser. Un dieu pourrait-il permettre autant de cruauté ? Un dieu peut-il permettre qu’on égorge, qu’on viole, qu’on lapide, qu’on torture en son nom ? Si un tel dieu existe, je le combattrais avec force jusqu’à la fin de moi.

Moi, l’hérétique, que vous aimez tant détester, vous vous plaisez à m’insulter, à vouloir faire de moi, une victime ou un converti. Des siècles d’évangélisation forcée n’auront pas eu raison de moi. J’ai la même force de croyance que vous sauf que je ne crois en rien. Je voue un culte à la vie, pas à la mort. Et si un jour mon athéisme est jugé à nouveau interdit, je tiendrais mon cap et ne trahirais pas ce que je suis.

« Que votre vie doit être triste à vous, athées, de ne pas pouvoir ressentir la puissance de Dieu » ais-je lu de multiples fois sous de multiples formes. Mais non ! Nous avons le cœur léger et nous sommes très heureux. Ce qui nous rend triste, c’est qu’on tue pour un dieu supposé.

Mais, je ne peux m’empêcher de me demander comment vous allez, vous, les croyants ? Est-ce que quand vous priez, vous lui demandez pourquoi tout ça ? Est-ce que vous croyez parce que vous avez peur du vide, de l’inconnu ? Est-ce que vous vous dites que l’humain que vous êtes, n’est autre qu’un animal, qu’un organisme vivant et que morts, nous ne sommes plus rien ? Vous dites vous qu’il n’y a pas de paradis, ni d’enfer, juste rien, et qu’il ne restera que nos os et des asticots autour ? Pensez-vous ça parfois ? Doutez-vous ?

Je sais les raisons de votre dévotion. Je sais votre foi, votre passion, je l’ai vu, accompagné parfois. Je sais que majoritairement, vous êtes dans l’amour, la tolérance, dans la compassion. Que vous serez choqué par mon propos. Que vous estimerez que je vous insulte à mon tour. Mais, je suis fatigué des morts et de la paranoïa qui règne. Fatigué des jeunes qui se réjouissent quand un connard se fait sauter. Fatigué d’entendre le mot « martyr ». Fatigué de ne pas comprendre cette folie.

Hier encore, des innocents ont été ramenés à leur condition victimes utiles. Chacune de leur mort est une partie de nous qui pourri, une rage qui enfle comme une maladie. Je pense à ceux au loin qui ont crié leur joie de savoir qu’on avait tué pour leurs idées. Ces lâches qui seront adulés pour leurs crimes honteux. Ça me révolte, me dégoûte. On a rien demandé nous.

On sent frémir comme un parfum de guerre. Elle paraît inéluctable. Elle est déjà là, dans nos cœurs blessés.

Lost in conviction

Dissident de ma propre existence, je décline l’invitation de mes convictions de venir se battre sur le terrain des idées.Déserteur du champ politique, j’ai jeté mes armes et maintenant j’erre dans l’immensité des désespérés. 

Mutin sur la galère en papier que des journalistes trop dociles ont précipité dans l’océan déchaîné de la complaisance et de la fausse impertinence. 

Je suis comme ces anciens militaires, revenus de Verdun, la tête farcie de bombardement, qui ont perdu la raison. J’ai été bombardé d’infos, d’intox, de discours ampoulés, de promesses non tenues, de petites phrases assassines, de sourires narquois, d’exergues meprisantes, de mensonges, de complots, de suppositions de complot, de notre insignifiance, de nos rages extirpées et de ne pas être entendu.

Je n’y crois plus, je ne cherche pas de Messie, pas de mentor, encore moins de leader. Je n’y crois plus car je sais que le pouvoir corrompt n’importe quelle ambition, n’importe quelle conviction, que des âmes cupides grossissent les rangs des partis et qu’elles exposent au grand jour leur soif de rentrer dans le clan des dominants. 

Aujourd’hui, les états se battent pour rester amis avec des multinationales et nous on se bat pour avoir une vie pas trop dégueulasse malgré les nombreuses barrières qu’on pose chaque jour un plus sur nos parcours. 

J’ai voulu, être un citoyen modèle payant mes impôts sans broncher, cherchant des excuses aux gouvernements sur leurs erreurs, prétextant la difficulté de la tâche à accomplir, les enjeux économique, diplomatiques… Je me berçais d’illusion, je ne suis qu’une molécule dans l’univers noir et froid de l’économie mondiale. L’économie, on nous en parle tellement qu’on en oublie la notion de vie. Que sont nos vies ? Que deviennent elles quand elles ne sont pas un chiffre sur un histogramme ? Je me pose la question de notre temps d’existence, de ce à quoi je dois occuper ma vie pour qu’elle ait de la gueule. Je suis invariablement reconduit aux portes de l’economie, grouillante, étendue comme une toile visqueuse dans laquelle nous sommes empêtrés. 

“There is no alternative”, la soumission commence là, quand on se dit qu’effectivement on n’a pas le choix, que si on refuse les règles du jeu il ne nous reste plus qu’à partir bouffer des racines en forêt et se faire oublier du monde. J’aime bien la forêt mais j’aime encore plus marcher pieds nus sur du parquet. J’ai la chance d’habiter en France et de faire partie d’une classe moyenne qui vit plutôt correctement, mais ce sentiment d’impuissance démocratique me plombe. Alors, je continue de jouir des petits plaisirs que mon statut de riche occidental permet et je continue de m’indigner sur mon canapé en pleurant les malheurs des autres. Je voudrais tant leur être utile. Mais aujourd’hui, la violence des marchés influence celle de la rue. On vit dans une société à cran, agressive, méfiante et repliée en petites communautés qui se barricadent. Jamais le monde n’a été aussi ouvert et pourtant les barrières sont de plus en plus nombreuses. Que faire contre ça ? J’ai trop de questions qui resteront probablement sans réponses.